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11 septembre 2010 6 11 /09 /septembre /2010 11:15

Robert Bober a emprunté le titre de son nouveau livre au poète Pierre Reverdy. Ainsi est ce roman très autobiographique, chargé du souvenir des amis, des livres, des films, des quartiers de Paris. L'ombre de Perec, bien sûr, l'ami de Bober. Celles de Truffaut, d'Henri-Pierre Roché, de Franz Hessel, de Jules et Jim dont il faudra bien que je vous parle un de ces jours. La trace de Modiano, d'Henri Calet et de ses "grandes traversées".


Il est difficile de raconter le roman de Robert Bober, tant les lieux et les époques s'y mêlent. C'est un récit familial, d'abord. Bernard, le narrateur, vit dans les années 1960. Il dessine le souvenir des deux hommes qui ont aimé sa mère, Yankel et Leizer, tous deux juifs d'origine polonaise, et tous deux morts, pendant la guerre et juste après. Récit amical, évidemment, où le cinéma, la photo et la littérature jouent un grand rôle. Récit politique, encore : le présent du narrateur, c'est les années 1960, la guerre d'Algérie, et le souvenir de la Commune, au mur des fédérés. Là est sans doute le fil conducteur de ce livre : des hommes et des femmes se souviennent.

 

Certains passages sont poignants. Les traces de la Shoah et d'un monde englouti sont omniprésentes - je pense aux Disparus, de Mendelsohn. L'amour impossible est une plaie (vous lirez les rencontres déchirantes entre Bernard et Laura). Mais rien, dans le récit de Bober, n'est trop appuyé. Le romancier écrit avec délicatesse. De cette délicatesse, il tire une force. Il y puise aussi de grands éclats de rire. Certaines scènes sont très drôles. Ainsi, la description de Boubé, la grand-mère, lorsqu'elle va au cinéma avec Alex, le petit frère du narrateur :

 

"Comme elle avait près de cinquante ans lorsque juste avant la guerre elle était arrivée en France, elle avait décidé qu'il était trop tard pour qu'elle se mette à apprendre une nouvelle langue, et c'est toujours en yiddish qu'elle s'adressait à nous. Ce qui fait qu'Alex et moi comprenions le yiddish sans le parler et que pour Boubé c'était exactement l'inverse : comme nous lui répondions en français, elle avait fini par le comprendre sans savoir le parler. Pour lire, c'était pareil. Elle ne comprenait ce qu'elle lisait dans le journal qu'à condition de le lire à haute voix. C'est pourquoi, alors qu'un jour elle avait, à la demande de ma mère, emmené Alex au cinéma pour voir un western et étant tombée sur un film en version originale, elle n'avait pu s'empêcher, comme pour le journal, de lire les sous-titres à voix haute. Aussi les spectateurs avaient eu le curieux privilège d'entendre toutes les répliques de John Wayne avec l'accent yiddish. C'est dire dans quel état de fureur et de honte Alex était revenu à la maison en jurant que c'était bien la dernière fois qu'il mettait les pieds dans un cinéma en compagnie de Boubé".

 

Robert Bober, On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux, P.O.L

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